L'immobilité ne tarda guère à leur sembler insupportable. Le singe avait des démangeaisons comme jamais auparavant. Quant au lièvre, il éprouvait de vives angoisses concernant sa sécurité, depuis qu'il ne pouvait plus lancer à tout instant des coups d'œil furtifs vers chacun des points de l'horizon.
À la fin, n'y tenant plus :
« Au fait ! dit-il, notre pari ne nous interdit pas de nous raconter quelque histoire pour rendre le temps moins long, n'est-il pas vrai, frère singe ?
– Assurément ! » répondit celui-ci, qui se doutait de quelque stratagème de son compère, et comptait bien en faire son profit en s'inspirant de l'exemple qu'allait lui donner le lièvre.
« Eh bien, je commence, dit ce dernier. Figure-toi qu'un jour de saison sèche, me trouvant dans une vaste plaine, je courus le plus grand des dangers…
– Tiens, s'exclama le singe, il m'est arrivé la même chose !
– Oui ! poursuivit le lièvre, je vis des chiens accourir vers moi en aboyant. Il en venait de tous côtés à droite !… à gauche !… devant moi !… derrière moi !… Je me tournais de ce côté… j'en entendais par là et puis par là… et par là encore ! »
Et tout en parlant, sire lièvre, comme entraîné par son récit, mimait ses inquiétudes en cette fâcheuse situation et regardait dans toutes les directions auxquelles il faisait allusion.